Dévotion

Canons de Dordrecht (1/7).

 Le texte des Canons de Dordrecht est mis à disposition par les Éditions Kerygma, en 8 articles sur ce blog

Le document des Canons du Synode de Dordrecht (1618-1619) est une déclaration doctrinale majeure des Églises Réformées, adoptée en réponse aux divergences théologiques posées par les Remonstrants (arminiens). Ce texte se concentre sur cinq points principaux de la doctrine réformée : la prédestination, la rédemption par la mort de Christ, la corruption de l’homme, sa conversion à Dieu, et la persévérance des saints. Il réaffirme des vérités centrales de la foi réformée, en particulier la souveraineté de Dieu dans le salut, l’élection inconditionnelle, et la réprobation.

L’importance du Synode réside dans la défense de la doctrine biblique contre des positions perçues comme compromettant la grâce souveraine de Dieu. Pierre Ch. Marcel souligne que ces doctrines, bien que parfois qualifiées de ‘dures’, sont solidement fondées sur l’Écriture et non sur des spéculations humaines.

L’introduction du document rappelle que la vérité de ces enseignements est attestée par les Écritures, et qu’une opposition à ces doctrines revient à contester non seulement la pensée de Paul, mais également celle du Christ lui-même.

CANONS DU SYNODE DE
DORDRECHT


Jugement du Synode national
des Eglises Réformées des Pays-Bas
tenu à Dordrecht, l’an 1618 et 1619


Auquel Synode se sont trouvés les Théologiens des Eglises Réformées de la
Grande-Bretagne, du Palatinat Electoral, de Hesse, Suisse, Correspondance de
Wedderau, Genève, Brême et Emden, les députés français n’avaient pas été
autorisés à sortir du Royaume.


Concernant les cinq articles de doctrine:


I. Le prédestination, l’élection et la réprobation
II. La mort de Jésus-Christ et la rédemption des hommes
III. La corruption de l’homme
IV. Sa conversion à Dieu
V. La persévérance des saints


NOTE DU REDACTEUR
pour faciliter la compréhension
DES CINQ ARTICLES DE DOCTRINE


D’aucuns regretteront l’initiative de publier Les cinq Articles ou Canons du Synode
de Dordrecht. A une époque de recherche oecuménique, n’est-il pas de mauvais
goût de rééditer un document qui – nous dit-on – reflète une « position dure »,
contestée par nombre d’Eglises? Serait-il donc légitime d’appeler « dures » et de
rejeter les doctrines fondées sur la sainte Ecriture?


Selon l’opinion publique, il semble inacceptable de parler
d‘élection, de réprobation, de prédestination.


Ces doctrines, pense-t-on, ne seraient que le fruit des spéculations de l’apôtre Paul:
elles auraient rendu odieux l’Evangile de Jésus et compromis sa diffusion dans le
monde… Au diable donc saint Paul!


Par quoi cette condamnation sans appel pourrait-elle se justifier? Par des textes
bibliques, qui inviteraient à une « lecture » différente mais légitime? Il ne semble
guère. Un théologien libéral aussi averti que l’était Edouard Reuss n’a pas craint
d’affirmer:


Ce n’est pas avec des lambeaux de textes bibliques qu’on réfutera les Canons du
Synode de Dordrecht!
Tel est le point de vue de quiconque connaît les Ecritures et
veut en respecter l’autorité.


L’élection, la prédestination – ou préordination – ne sont pas une invention de
l’Apôtre. Il y a plus prédestinatien que lui! Au risque de surprendre, c’est le
Christ! Que le lecteur de ces Articles de foi en soit dûment informé, s’il souhaite
comprendre leur message et sa divine profondeur, et qu’aucun texte ne puisse être
contourné, omis ou oublié. Pour nous en tenir au Nouveau Testament, voici une
liste de témoignages qui traitent de l’élection, sa source et ses conséquences. Plus
de trente passages (une cinquantaine de versets),sont des paroles du Christ. Une
cinquantaine d’autres (quatre-vint-cinq versets) sont des affirmations apostoliques.
Selon l’analogie de la foi, il n’y a pas, dans le Nouveau Testament, de doctrine plus
solidement établie.


TEXTES BIBLIQUES concernant l’election et la predestination


I Paroles de Jésus-Christ.
Mt 11:25-27; 13:11-15; 16:17; 19:11, 25-26; 22:14; 24:22, 31, 40-42; 25:34.
Mc 4:11-12; 10:40; 13:20, 26.
Lc 10:20, 22; 17:34-37; 18:7, 26-27.
Jn 5:21; 6:37, 44-45, 65; 10:3, 26:30; 13:18b; 15:16, 19-20; 17:2, 6, 9, 11-12, 24.


II Paroles des Apôtres.
Jn 1:13; (Jean Baptiste en 3:27); 12:39-40, = Es 6:10.
Ac 2:39; 9:15-16; 10:40; 13:2, 48; 15:7b; 22:14; 26:16-17.
Rm 1:6; 8:28-30, 33; 9:10-29; 11:4-7, 28-29.
1 Co 12:3, 18; 2 Co 13:5-6.
Ga 1:15-16.
Ep 1:4-14; 2:8-10; 3:11.
Ph 1:29; 2:13.
Col 1:12; 3:12.
1 Th 1:4; 5:9; 2 Th 2:13.
2 Tm 1:9; 2:10. Tt 1:1-2.
Hé 1:14.
1 P 1:1-2; 5:13; 2 P 1:10; 1 Jn 1:13; Jude 1:3 in fine.
Ap 13:8; 17:8, 14; 20:15.


Nul donc ne peut lire et comprendre ces Articles, prétendre en contester la forme ou
le fond, s’il ne prend d’abord connaissance des textes ici rassemblés. D’une part, la
compréhension des quatre autres Articles lui sera ouverte; d’autre part, s’il conteste
ou en récuse telle partie, il devra se poser la question: « Pourquoi et comment m’estil
possible de ne plus savoir ce que je viens d’apprendre, de refuser l’école du Saint-
Esprit, de récuser l’autorité du Christ? » – Ce n’est pas une bonne chose, dit
Calvin, de penser ne point savoir ce que nous savons; … car l’Ecriture est l’école
du Saint-Esprit, en laquelle comme il n’y a rien d’omis qui soit salutaire et utile à
connaître, ainsi il n’y a rien d’enseigné qu’il ne soit expédient de savoir (Com. 1 Co
8:2 et Inst. III, xxi, 3). Pour conclure son exposé sur l’élection, et asseoir sa vérité,
Calvin ne peut mieux faire que rapporter l’enseignement du Christ dans l’Evangile
de Jean qu’il cite une douaine de fois (Inst. III, xxii, 7).


Comment, dès lors, est-il possible que des contradicteurs – Ariens, Arminiens et
Remonstrants – s’opposent au Christ, ne comprennent pas son langage, en
dénaturent le sens, lancent des objections irrecevables, infèrent des conclusions
scandaleuses ou immorels, en arrivent à affirmer que nous croyons ce que nous ne
croyons pas? Dès l’instant où une attitude humaine, quelle qu’elle soit, s’interpose
entre l’Ecriture et sa compréhension: ce peuvent être les « revendications » du sens
commun, du sens moral, de la raison naturelle et de se propre logique; en un mot,
toute « antériorité » ou « supériorité » sur l’Ecriture de l’homme, de la science ou de
l’Eglise.


En effet, les lois qui régissent nos pensées, nos actes et nos relations entre
personnes et avec Dieu sont spécifiques et font apparaître à rétablir des principes
essentiels à toute « logique chrétienne ». Nul ne peut comprendre l’Ecriture, les
pensées et les actes de Dieu et du Christ, la puissance de l’Esprit, s’il ne s’est pas (ou
n’a pas été) « dépouillé du vieil homme avec ses pratiques, et n’a pas revêtu l’homme
nouveau; et si, qui pour accéder à la connaissance, il ne cesse d’être renouvelé à
l’image de son Créateur. » Il importe, en effet, « qu’il ne se conforme plus au monde
présent, mais qu’il soit transformé par le renouvellement de son intelligence, pour
discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce
qui est parfait » (cf. Col 3:9-10; Rm 12:2, selon TOB).


Il n’y a ni compréhension, ni interprétation possibles des Ecritures sans conversion
du coeur et de l’esprit, sans conscience de la grâce de Dieu dispensée par la mort du
Christ, et sans certitude d’être appelé, d’être élu. Ce sont notre pardon, notre
élection qui nous donnent l’humilité du coeur, de l’intelligence et de la volonté sous
la seigneurie du Christ. Seule l’humilité nous permet de lire la Révélation selon
l’analogie de la foi. A elle seule déjà, elle est principe de connaissance et
d’interprétation: elle est docilité et non curiosité, sobriété et non subtilité,
acquiescement et non témérité. Elle ne procède pas de haut en bas, mais de bas en
haut; elle reçoit pour vrai ce que Dieu affirme, promet et donne. Par elle, Dieu fait
don de sa paix; à qui croit en lui, il promet le repos de son âme, la liberté de sa
conscience. Le croyant est héritier de Dieu, cohéritier du Christ (Rm 8:17). Il n’y a
que l’humilité qui nous élève et fasse grands, dit Calvin (Com. Mt 18:4).


Toute la discussion de Dordrecht a pour cause première l’impossibilité pour les
Remonstrants – pour le positivisme, le scientisme, le rationalisme aujourd-hui – de
concevoir chez l’homme une relation équilibrée entre liberté,
contrainte et nécessité; ils lui imposent la nécessité intérieure des lois de la nature.
A l’opposé, l’anthropologie biblique révèle, au coeur de l’homme, une nécessité
morale et mystique de la volonté, qui n’en appelle pas à la contrainte, n’annihile pas
sa liberté, mais l’affranchit de tout asservissement aux dogmes philosophiques et
scientifiques, comme à l’Ecriture récuse tout déterminisme interne à notre vie
consciente, de même que tout déterminisme externe ou tout prédéterminisme. C’est
un postulat de notre logique chrétienne de prendre en considération les principes
révélés quant à la liberté, la contrainte et la nécessité.


De quelle manière, par exemple, Dieu agit-il? Si l’on pose la question: « Dieu estil
nécessairement bon? » – Oui. Mais pourquoi? Parce que sa bonté est si
essentiellement jointe à sa divinité, qu’il ne lui est pas moins nécessaire d’être bon
que d’être Dieu. Objectera-t-on: « Dieu ne mérite donc guère d’être loué pour sa
bonté, puisqu’il se voit contraint de la garder! » – Nous répondons: « Cela vient de sa
bonté qu’il ne puisse mal faire, non d’une contrainte violente. Ainsi, rien n’empêche
la volonté de Dieu d’être libre, bien qu’il soitnécessaire qu’il fasse bien. » Autrement
dit: C’est une nécessité que Dieu fasse ce qu’il fait comme il le fait, mais il le fait
avec une totale liberté, exempte de toute contrainte.


Ainsi en est-il de l’homme que Dieu a créé à son image. Parfaits à l’origine, Adam
et Eve vivaient dans une totale liberté; tout ce qu’ils faisaient
était nécessairement bel et bon; leurs pensées et leurs actes étaient l’expression
spontanée de leur volonté bonne; ils ne subissaient nulle contrainte. Leur agir
humain était à l’image de l’agir divin. Mais quand, mésusant de leur liberté, ils sont
volontairement tombés dans le péché, ni l’un ni l’autre ne pouvait plus de lui-même,
par ses seules forces, faire autrement que pécher en pensées, en paroles et en actes,
et suivre le mouvement tout aussi spontané de la perversité de leur entendement, la
révolte de leur volonté, l’impureté de leurs affections. Dès lors, c’est de son propre
vouloir que l’homme pèche nécessairement; mais il pèchelibrement, sans
aucune contrainte. Il y prend même plaisir! Il est donc inexcusable et en porte seul
la responsabilité. Ainsi en est-il de chacun de nous.


Nous sommes au coeur de la psychologie et de la pédagogie chrétiennes, à l’école
de la plus fine théologie qui nous rend attentifs au déploiement et à la réception de
la grâce de Dieu, et nous enrichit d’un nouveau principe de logique: Dieu met sa
science et sa toute-puissance au service de sa grâce: il restaure, préserve et
cautionne notre liberté; il régénère notre coeur et notre volonté, et nous rend de
plus en plus libres. Plus il agit en nous, plus le Christ nous affranchit, plus nous
sommes réellement libres (Jn 8:36). « Le Seigneur est l’Esprit; et là où est l’Esprit du
Seigneur, là est la liberté. » – « C’est Dieu qui opère en nous et la volonté et
l’exécution par l’accomplissement de ses desseins d’amour. » – C’est pour la
liberté que le Christ nous a libérés »


(2 Co 3:17; Ph 2:13; Ga 5:1).


Nous croyons donc en un Dieu tout-puissant, capable de faire arriver librement et
sans contrainte ce qu’il veut nécessairement. Sachant cela, nous pourrons saisir le
sens et la porté de ces Articles, et l’impossibilité d’appliquer à l’interprétation des
Ecritures les impératifs de la raison naturelle.


Croyants grâciés, nous n’avons de vertus et d’aptitude au bien que par la grâce de
Dieu qui nous donne la liberté de réaliser dans nos pensées, nos paroles et nos
actes, notre vraie nature en Jésus-Christ, édifiée sur une confiance certaine du coeur
et la paix de notre conscience.


Pierre Ch. Marcel.

Suite …

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